Arno, de son vrai nom Arnaud Charles Ernest Hintjens, est né en 1949 à Ostende. Ses premières compositions et apparitions scéniques remontent à 1969. Entre 1972 et 1975, il fait partie du groupe Freckle Face, puis forme un duo avec son ami Paul Decouter, intitulé Tjens Couter, transformé en T.C. Matic, avec l'arrivée de nouveaux musiciens. Le groupe crée de superbes chansons comme « Elle adore le noir » ou « Putain, putain » qui restent des succès indémodables d'Arno, mais à l'époque, le public semble insuffisant pour continuer sereinement.
En 1986, TC Matic n'est plus. Decouter s'en va mais Arno, épaulé par Jean-Marie Aerts à la guitare et Serge Feys aux claviers sort un premier album sous son seul nom et signe la plupart des dix morceaux, dont l'extraordinaire « When the Rock », qui préfigure sa carrière à venir. Le cocktail entre cette voix déchirée et ces compositions torturées, empruntant au rock et au rhythm' n' blues anglo-saxon, avec certes un coté déstructuré mais une énergie hors norme sur scène, fait mouche. Des cymbales, un accordéon, un piano viennent ajouter une note nostalgique, d'autres cassures, dans cette grande réécriture d'un rock affranchi des codes habituels. Ce dandy séducteur décadent, entreprend de construire une oeuvre de destruction systématique, de déstabilisation. Bègue mais parfois affable, belge ou européen, alcoolique ou extrêmement lucide, le personnage cultive tous les paradoxes.Dans son deuxième album Charlatan, sorti en 1988, il chante majoritairement en anglais, mais s'empare dans la langue de molière du « Bon Dieu » de Jacques Brel, pour en proposer une version toute aussi poignante et juste bien que totalement différente.
L'album suivant s'intitule Ratata et va lui ouvrir un peu plus les portes des grandes scènes parisiennes et du public français. Mais Arno et ses compères, continuent de donner des centaines de concerts dans différents pays européens. En 1991, Arno oublie sont premier prénom et sa carrière solo, pour s'offrir un intermède le temps d'enregistrer, en une semaine sous le nom de Charles et les Lulus, un album composé essentiellement de standards du blues : des chansons et compositions de Willie Dixon, Captain Beefheart, Rufus Thomas, dont certaines ont déjà été jouées par les Who ou The Rolling Stones.
Sa carrière solo continue et, avec le disque Idiots Savants, Arno signe en 1993 chez Delabel, label laboratoire dépendant de Virgin, qui correspond davantage à ses préoccupations. Le disque contient sa fameuse reprise des « Filles du bord de mer » d'Adamo, qui lui vaut les honneurs des critiques et du public français, qu'Arno va remercier avec un clin d'oeil. Mais avant cela, il se lance dans une nouvelle expérience collective. Il retrouve certains musiciens de Charles et les Lulus et de TC Matic et crée Arno et les Subrovnicks. Leurs unique disque, Water, sort en 1994.
En 1995, Arno sort A la Française, son premier disque 100% francophone et son plus gros succès commercial à ce jour, avec lequel il entre dans la cour des grands. On y retrouve de véritable bijoux, comme une reprise de « Comme à Ostende » de Léo Ferré. Mais la musique de Monsieur Hintjens n'est pas uniquement faite d'énergie brute et de guitares saturées, il sait aussi façonner son propre univers, reconnaissable dès les premières mesures. Pour exemple, la bouleversante chanson « Les yeux de ma mère », un classique d'Arno qui figure sur cet album. S'ensuivra une tournée fleuve de deux ans, qui passera par toute l'Europe et même par les Etats-Unis, et donnera prétexte à un album live, En Concert à la Française.
En 1997, Arno joue et surtout signe la bande originale d'Alors voilà, film de Michel Piccoli, qui reçoit le prix de la critique de Venise. Pour combler ses envies de blues, l'« agent double » se relance en 1998 dans un travail collectif qu'il nomme Charles & the White Trash European Blues Connection. Un album éponyme, constitué une nouvelle fois de reprises, naitra de cette collaboration, au dessus de laquelle flotte le spectre du Jon Spencer Blues Explosion.
En 1999, Arno livre À Poil Commercial, disque à la croisée des chemins anglophones et anglophones. On notera le morceau de bravoure « Dans mon lit », écrit avec Craig Armstrong, l'arrangeur et compositeur des cordes de Massive Attack. Après avoir rencontré l'artiste américaine, Beverly Jo Scott, dont le répertoire est également empreint d'un rock blues déchiré, Arno enregistre avec elle une « double reprise » pour laquelle leurs deux voix réussissent le pari de faire se rencontrer Jacques Dutronc et David Bowie. L'irrésistible « Jean Baltazaaar/ La fille du Père Noël/ Jean Genie » sort également sur l'album de la chanteuse, Amnesty for Eve, en 1999. 2000, nouveau millénaire, Arno s'offre une rétrospective avec Best of, une compilation qui propose un bon bilan de ses 30 ans de carrière. À noter la présence d'un duo avec Stephan Eicher sur le titre « Ils ont changé ma chanson ».
Mais cette compilation n'est pas un chant du signe. En 2002, sort Charles Ernest, dans lequel on retrouve un Arno plus apaisé qu'auparavant. Sa collaboration avec Jane Birkin pour un tendre duo sur « Elisa » et sa lente reprise de « Mother Little Helper » (The Rolling Stones) en sont de bonnes illustrations. Deux ans plus tard, Arno livre même l'une des ses plus brillantes réussites : l'album French Bazaar qui sort en mai 2004. Porté par le single à la rythmique imparable « Chic et pas cher », mais aussi par de nouvelles reprises toujours plus épatantes, comme « Knowing Me Knowing You » d'Abba ou « Voir un ami pleurer » de Jacques Brel, qui sied parfaitement à la voix rocailleuse du chanteur.
Malgré la multitude de styles, d'influences et d'instruments réunis, c'est une émotion directe et sans fioriture qui touche l'auditeur. L'album reçoit une Victoire de la musique en 2005, dans la catégorie « album pop-rock ». La même année paraissent le CD et le DVD Live in Brussels. En Février 2006, signe de l'empreinte indélébile laissée dans la chanson francophone, un album hommage au chanteur belge, sous-titré Putain, Putain, Une Tribu Pour Arno, sort. On y retrouve entre autres, Cali, les Têtes Raides, Magyd Cherfi de Zebda, DJ Zebra et Rodolphe Burger.
En février 2007, sans renier la France qu'il aime et qui le lui rend bien, Arno revient au rock anglo-saxon de ses débuts avec Jus de Box, sorte de fourre-tout chanté en anglais, français et ostendais, où guitares et batteries sonnent volontairement sales. Arno avouera avoir bouclé l'album en un mois, justement pour privilégier l'énergie d'un son brut. On note qu'Arno, particulièrement marqué par le film pamphlet Une vérité qui dérange d'Al Gore, signe la chanson « Mourir à plusieurs » qui traite de la catastrophe écologique en cours.
En mars 2008, c'est au cinéma, dans le film J'ai toujours rêvé d'être un gangster de Samuel Benchetrit, que l'on retrouve Arno aux cotés d'Alain Bashung. Les deux chanteurs-compositeurs y parlent d'inspiration et de création dans une scène culte, totalement improvisée. Puis, en avril 2008, sa maison de disques EMI décide de regrouper dans une compilation les reprises de cet artiste qui, après trois décennies de carrière, reste une référence dans cette discipline banalisée et rarement aussi bien maîtrisée. Malheureusement, le disque intitulé Covers Cocktail est inégal, peu surprenant, il manque d'âme et ne reflète donc pas l'art de cet ovni rock tout droit venu du plat pays, qui a toujours su rendre hommage à ses idoles, de Bob Dylan en passant par Jacques Brel, deux artistes qu'il considère comme des maîtres « très blues ».
En mars 2010, le 14ème album du Belge rend hommage à sa ville d'adoption. L'album Brussld, co-produit par Arno et Serge Freys, comporte des chansons en anglais et en français et a pour premier extrait le titre « Brussels ». Arno fait un passage au Casino de Paris le 1er juin 2010 lors d'une tournée européenne. Pour son quinzième et suivant opus intitulé Future Vintage, le chanteur fait appel à John Parish, metteur en son attitré de PJ Harvey. Cela ne manque pas de donner de nouvelles couleurs à son rock poétique, déglingué et profondément authentique dont témoignent les extraits « Ça plane pour nous » et « Show of Life ». Successeur à la pochette sans tête, Human Incognito, est enregistré à Bruxelles et mixé à Bristol. Il dévoile pour premier extrait« I'm Just An Old Motherfucker », s'inscrivant idéalement dans la lignée de ses faits de gloire.