17804 fans
Fils d’écrivain (Honor Wyatt), jeune amateur de jazz, Robert Wyatt étudie la peinture et la batterie à Canterbury. De 1963 à 1966, il joue avec les Wilde Flowers, formation mythique qui donne naissance à Caravan et Soft Machine. De 1966 à 1971, Wyatt fait partie de ce dernier groupe aux côtés de Kevin Ayers (basse, chant), Mike Ratledge (claviers) et du beatnik australien Daevid Allen (guitare). Fleuron de la dite « École de Canterbury » avec Caravan, Soft Machine a été un groupe capital dans la naissance du rock progressif. Puisant dans le jazz libertaire, le psychédélisme, les techniques de collage surréalistes, le groupe alterne des chansons pop déglinguées et improvisations débridées. Plein d'humour et de fantaisie, d'une richesse et d'une rigueur sans faille, ses premiers albums ont ouvert de nouvelles voies. La présence de Wyatt s’y fait fortement sentir. Ce dernier s’en va après Fourth.
Il participe alors aux disques Banana Moon de Daevid Allen et The Madcap Laughs de Syd Barrett, rejoint un temps les groupes Centipede et Symbiosis, puis publie un premier LP solo en 1971. The End of an Ear est une sorte de manifeste free-jazz-rock, dans lequel on entend Elton Dean (saxophones) et Dave Sinclair (orgue).
1971 est aussi le point de départ de la courte aventure de Matching Mole (Soft Machine = Machine Molle en français ; prononcé avec l'accent anglais, cela donne Matching Mole). Cette formation réunit Dave Sinclair, Bill Mac Cormick (basse) et Phil Miller (guitare). Le premier LP sort en 1972 (Matching Mole), juste avant la dissolution de ce groupe éphémère. Le second LP, Little Red Record, produit par Robert Fripp et dans lequel Dave McRae (claviers) remplace Sinclair et où figure Brian Eno, est publié en 1973.
Cette année-là, Robert Wyatt fait une chute accidentelle du haut de quatre étages. Il en reste paralysé des jambes. Hospitalisé, il conçoit Rock Bottom, son grand chef-d'œuvre. Produit par Nick Mason, le batteur de Pink Floyd, cet album sort en 1974. Le disque suivant, Ruth is Stranger than Richard (1975), bénéficie de la collaboration de Fred Frith d'Henry Cow, autre importante formation de l’époque.
Robert Wyatt va ensuite mettre du temps avant de proposer un nouvel album. En attendant, il s’est marié avec Alfreda Benge, conceptrice des visuels des albums de Wyatt ainsi qu’auteur de textes pour les chansons de son époux. Les EP I'm a Believer (1984) et The Peel Sessions (1987) contiennent des inédits de cette époque. Nothing Can Stop Us (1981) est la réunion de simples comprenant des reprises ( « Strange Fruit » de Billy Holiday, « At Last I am Free » de Chic) et des chants populaires (« Caimanera » alias « Guantanamera »). Son engagement communiste y est clairement exprimé... à sa façon. Work in Progress (EP 1984) suit la même voie, avec une reprise de « Biko » de Peter Gabriel, de même que le LP Old Rottenhat (1985) qu’il réalise seul. Pour sa part, The Animals Film (1982) est une bande originale illustrant un documentaire sur la cruauté humaine exercée envers les animaux.
Après une apparition sur l'album Beauty de Ryuchi Sakamoto (« We Love You » des Rolling Stones) en 1989, Robert Wyatt revient vraiment aux affaires en 1991 avec Dondestan, album qui relance l’intérêt pour cet artiste que les nouvelles générations découvrent. Il redevient alors une référence majeure.
On réédite en numérique des enregistrements devenus rares et des inédits. Flotsam Jetsam (1994) rassemble des titres que Wyatt a enregistré avec tout une pléiade de camarades musiciens, dont Jimi Hendrix (à la basse) entre 1968 et 1989. A short break (1996) est quant à lui un mini album constitué d’enregistrements effectués au début des années 1990 et laissés de côté. La situation est mûre pour qu’en 1997, l’album Shleep reçoive des avis plus qu’élogieux lors de sa sortie. Il en sera de même en 2003, lorsque sortira Cuckooland.
Wyatt adopte le rythme de croisière des caïds du rock : six ans de distance entre chaque album. Pour faire patienter les fans, il reste la ressortie d’albums et l’édition d’inédits. Et puis la chasse aux « featuring » (voir ci-dessous).
Un coffret de cinq CD intitulé Eps est édité en 1999 par Hannibal/Rykodisc, lequel label va dans les années qui suivent rééditer tous les disques solo de Robert Wyatt (sauf The End of an Ear, disponible chez Columbia). Certains d’entre eux voient leurs « pochettes » et l’agencement de leurs titres changer. Cette boîte magique comprend des chansons parues en simples dans les années 1970 et 1980, les mini albums tels que Work in Progress et The Animals Film, des inédits et des remixes de Shleep. Un identique travail « archéologique » est poursuivi par d’autres labels avec Solar flares burn for you et John Peel Sessions (enregistrements effectués pour la BBC).
Et puis il y a Theatre Royal Drury Lane 8th september 1974. Dans ce dernier cas, il s’agit de l’édition légale d’un fameux disque pirate, captation d’un concert où fut jouée tous les titres de l’album Rock Bottom, ainsi que des airs écrits pour Soft Machine et Matching Mole. On y retrouve, notamment, Dave Stewart, Hugh Hopper, Fred Frith, Mike Oldfield et Nick Mason.
Parallèlement à tout cela, il faut noter que plusieurs formations de jazz européennes réalisent des spectacles bâtis à partir des œuvres de l’artiste, lequel ne joue en public que lors d’occasions rarissimes.
Wyatt n’est cependant pas un ermite. Il apparaît régulièrement sur les disques d’amis. Outre tous ceux que l’on a déjà cité ci-dessus – la liste est déjà impressionnante -, très, très nombreux sont les artistes qui ont fait appel à lui. On entend sa batterie et/ou sa voix chez Eric Burdon, Phil Manzanera, Scritti Politti, Working Week, Ultramarine, John Greaves, Pascal Comelade (sublime reprise de « September Song » de Kurt Weill sur l’album éponyme du catalan), Anja Garbarek, Bruno Coulais (B.O. du Peuple migrateur), La Tordue, Björk, David Gilmour…
Invraisemblable fan club, n’est-il pas ?