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Fabe, diminutif de Fabrice, naît à Paris en 1971 et grandit entre la banlieue nord et le 18ème arrondissement, avec un interlude à Annecy, puisque sa mère demande une mutation afin de soigner l’eczéma chronique de son fils. Il revient à 20 ans à Barbès où il passe neuf ans. Etudiant peu assidu et plutôt turbulent, il obtient non sans mal son baccalauréat et décide de poursuivre en étudiant en dilettante la philosophie à l’université de Nanterre. Mais à l'étroit dans le système scolaire français et son enseignement trop éloigné des réalités du monde professionnel, il jongle passe bientôt d’un emploi de barman à celui d’employé des Postes. Chaque nuit cependant, il vandalise les murs de Paris, recouvrant chaque parcelle de mur disponible de son blaze, Fabe.
Débuts d'un rappeur atypiqueIl commence à rapper en 1993 et se fait vite remarquer, apparaissant sur la compilation de rap français de la Yellow Production, label du combo electro comptant dans ses rangs Bob Sinclar ou encore Cutee B à l’origine du projet, avec « Faites-vous la guerre, je fais mes affaires ». Le morceau fait du bruit, Fabe s’affichant déjà comme un rappeur atypique, avançant à son rythme et loin des préoccupations des autres rappeurs de la capitale. Son premier maxi (Je N'aime Pas) sort chez Unik Records, petite structure indépendante, avec laquelle il signe pour deux albums.
Il rejoint cette même année le Complot des Bas Fonds, comptant également parmi ses membres son producteur DJ Stofkry ainsi qu’un acolyte de longue date, Koma. Le collectif apprécié par DJ Cut Killer apparaît sur plusieurs de ses mixtapes et Fabe rencontre ainsi East, rappeur attitré du deejay et co-animateur suite à ses freestyle anthologiques du Cut Killer Show sur Radio Nova.
Le premier album de Fabe Befa Surpend Ses Frères sort en 1994, toujours sur Unik Records, comportant « Ca fait partie de mon passé », un titre clipé qui lui permet de faire connaître son nom à d’autres publics que les auditeurs des émissions parisiennes de la bande FM. Dommage que tant de personnes s’arrêtent à ce premier titre, qui ne reflète que très partiellement l’univers du rappeur. Fabe enchaîne rapidement avec le EP Lentement Mais Sûrement, en 1995.
C’est également l’année où il est invité dans l’émission Taratata de Nagui et ne reste pas longtemps après avoir joué « Ça fait parti de mon passé » ; il se retire en effet juste après que Robert Charlebois et Nagui ont évoqué très péjorativement l’imagerie véhiculée par les rappeurs...
Le clashIl évoquera rapidement Nagui sur son second album (Le Fond et la Forme, 1996) avec « Le Rap et moi » ; l'album rencontre un succès commercial supérieur à son prédécesseur. Mais les morceaux marquants sont plutôt les titres « Lettre au président », dans lequel Fabe dénonce les grandes largesses des représentants politiques, le président Jacques Chirac fraîchement élu à la tête de la nation en premier. Et bien sûr « Des durs, des boss, des dombis », morceau qui fustige les rappeurs qui s’inventent des passés de criminels, répondant à Stomy Bugsy qui lui conseillait sur son morceau « La Guerre du rap » de partir avec une caméra Sony la prochain fois qu’il quittait le plateau de Nagui et visant également Booba (alors membre du duo hardcore Lunatic), qui reprendra la rime de Fabe (dans son morceau « La Lettre », en 2000), « C'est tellement bas que pour en parler faudrait que je me fasse mal au dos » en rajoutant « Putain quelle rime de bâtard ».
Il s’en était déjà pris à Lunatic sur cet album avec « Dis aux gosses », dénonçant l’apologie de la violence dont serait coupable le groupe avec « Le Crime paie », alors qu’Ali (autre moitié de Lunatic) s’en est toujours défendu, citant la dernière rime du morceau « Le crime est un piège, mon Dieu j'ai mordu l'appât ».
D'un collectif l'autre
Le Complot des Bas Fonds fait sa dernière appariation sur cet album avec « Lève en l'air ton index ». Fabe s'entoure en effet par la suite de nouveaux rappeurs et forme la Scred Connexion, toujours avec son complice Koma, puis d’autres rappeurs de Barbès comme Haroun, Mokless ou Mourad.
Entre 1996 et 1998, il participe également aux différents projets officiels de Cut Killer, le deejay sortant des circuits très restrictifs des mixtapes, avec par exemple « Le choix des armes » avec Koma sur Hip Hop Soul Party volume 2, « Choisis » sur Hip Hop Soul Party volume 3 ou encore « Mal partis » sur le Cut Killer Show, une fois de plus en compagnie de son complice Koma, mais aussi de K-Reen.
En 1997 il se rapproche toujours plus du deejay porte drapeau du rap français et fait deux apparitions « en compagnie » d’un East décédé dans un tragique accident de voiture, une première sur le maxi dédié au rappeur Eastwoo sur le titre « Mots vrais », une autre sur l'album L'Ecole du Micro d'Argent du groupe IAM avec le morceau « L'Enfer », le couplet d'East étant repris d’un de ses anciens morceaux et prenant une toute autre signification dans ces nouvelles conditions.
Détournement de SonC’est donc tout naturellement qu’il sort son troisième album, Détournement de Son, en 1998 sur la toute nouvelle structure de Cut Killer, le Double H, acronyme de hip-hop, le label assurant également la grande majorité des productions musicales. « L’impertinent » résonne toujours dans la tête de ceux qui l’ont découvert à l’époque, pamphlet visant la classe politique, lorgnant davantage du côté de l’extrême-droite qu’auparavant.
Il est intéressant de noter que Fabe n’hésite pas à collaborer avec les autres artistes proches de Cut Killer, mêmes ceux flirtant avec la scène R&B française émergente, mais jamais dominante, comme sur le morceau de K-Reen « Laisse toi porter par ce flow » ou celui de Hasheem, « Sans repère », deux morceaux de 1998 où le rappeur se montre forcément plus léger que d’habitude dans les thèmes abordés et nettement moins véhéments vis-à-vis de ses collègues du rap.
Fabe sort un dernier album, La Rage de Dire, en 2000, puis décide de partir prématurément en retraite au Québec ou il vit deux ans. Il se convertit à l'islam avant son départ et consacre la plupart de son temps à étudier la religion.
Sur ce disque, il règle une dernière fois ses comptes rapologiques avec « Remballe ! », en compagnie de Mokless de la Scred cette fois-ci. Ce calme derrière le micro ne freine visiblement pas le député UMP François Grosdidier qui l'inclut dans une plainte déposée devant le Garde des sceaux le 22 novembre 2005 pour « incitation au racisme et à la haine », aux côtés de Monsieur R, Lunatic (quelle ironie !) ou encore 113. La plainte sera jugée irrecevable par le tribunal correctionnel de Melun en juin 2006.
Fabe est enfin cité en tant que précurseur dans le livre Pour une analyse textuelle du rap français de Mathias Vicherat, sorti en 2001, étude qui a pour ambition de restituer et de mettre en exergue la richesse plurielle qui anime le rap, la mouvance musicale la plus importante de ces dernières années, tel qu'il s'exprime en France.