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Il fut en quelque sorte le Bruant des années 70. Grand et maigre, les cheveux longs retenus par un catogan, la voix sarcastique, Béranger symbolisa les espoirs d'une bonne partie de la génération nourrie de Mai 68. « J'sais bien qu'une chanson/C'est pas tout à fait la révolution/Mais dire les choses c'est déjà mieux que rien », assénait au détour d'un couplet ce chanteur engagé new look sur fond de guitare électrique, qui ne mâchait jamais ses mots…
Chanteur militantFils d'un militant syndicaliste chrétien qui fut résistant puis député, François Béranger, né à Amily (Loiret) le 27 août 1937, travaille longtemps comme agent technique chez Renault puis entre dans le monde étrange de la pub. En 1969, il signe chez CBS et sort son premier 45-tours, de sonorité folk-rock, avec un seul titre sur les deux faces, « Tranche de vie », qui narre, dans le parler bourru des prolétaires, l'histoire des gens de son âge, de l'école sans âme à l'apprentissage sans intérêt, de la guerre d'Algérie aux barricades de Mai 68. Bien que passant fort peu à la radio et totalement ignoré par la télévision, Béranger touche vite un important public, qui achète ses disques, plébiscite ses chansons (« Tango de l'ennui », « Rachel », « l'Alternative », « Participe présent », « Natacha ») et assiste aux nombreux concerts de soutien qu'il donne bénévolement, hors des circuits traditionnels, pour les causes les plus diverses.
Au revoir précoce...Utopiste, il ressemble à son public : « Bien plus qu'un chanteur/Je suis comme beaucoup d'entre vous/Simplement en colère » et chante le racisme, la misère, la condition ouvrière, l'ennui, sans oublier les lendemains roses : « Au coin des rues/On a remplacé flics, cognes et agents/Par des accordéons. » En 1979, un titre « Mamadou m'a dit », à la rythmique guillerette mais aux mots assassins, franchit le mur des médias. Ce sera le chant du cygne. L'arrivée de la gauche au pouvoir, la montée de l'individualisme et l'argent roi l'empêchent de se sentir en phase avec l'époque. Il s'éloigne. En 1990, il sort un nouvel album qui, hélas, ne fait guère de vague.
Sa production régulière de disques durant les années 90, notamment un double CD En Public en 1999, remporte un succès d’estime auprès des initiés, mais ne suffit pas à renouveler son public, le faire revenir officiellement sur le devant de la scène, ni à racheter son amertume envers la politique et les média. En 2003, il enregistre un album en hommage au poète et chansonnier québécois Félix Leclerc, Béranger Chante Félix Leclerc, mais il meurt à 66 ans, le 14 octobre de la même année, des suites d’un cancer, à Sauve dans le Gard.
...et reconnaissance posthumeEn 2008, une nouvelle génération de la chanson française salue enfin son talent. Tout d'abord avec la compilation Tous Ces Mots Terribles qui sort en avril. Puis, en septembre à l'occasion de la Fête de l'Humanité, où l'on a pu voir sur scène Sanseverino (qui a repris sa chanson « Le Tango de l'ennui » quelques années auparavant), Marcel et son orchestre, Raoul Petite, Les Blaireaux, mais aussi H. F. Thiéfaine, qui lui ont rendu un vibrant hommage.