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Groupe parfaitement paritaire, ABBA est composé de deux femmes et de deux hommes issus des divers courants de la musique populaire scandinave. La brune norvégienne Anni-Frid « Frida » Lyngstad, la blonde suédoise Agnetha Fältskog, le barbu Björn Ulvaeus (époux de cette dernière) et Benny Andersson se rencontrent en 1972 pour donner naissance au groupe dont le patronyme est tout simplement né de l'accolade des initiales de leurs prénoms respectifs. Auparavant, chacun des membres avait entamé une carrière dans la chanson : la paire masculine produisait sous le nom de Lycka (un album homonyme paru en 1970), tandis qu'Agnetha Fältskog (en 1968 avec un album de reprises) et « Frida » Lyngstad (en 1971 avec Nin Egan Stad) avaient chacune entamé une carrière solo.
Devenus ABBA, les quatre chanteurs et musiciens (ces messieurs sont derrière les instruments et la console de production alors que ces dames sont au chant), composent et sortent un premier album intitulé Ring, Ring en mars 1973. Sorti en Suède et dans quelques pays-tests (Allemagne, Australie, Mexique...), le single du même nom est un petit succès prometteur qui permet au quatuor de se faire repérer par les sélectionneurs suédois du Concours de l'Eurovision, qui débauchent le groupe pour représenter leur pays lors de l'édition 1974 de cette compétition. Le 6 avril à Brighton (Angleterre), le titre composé pour l'occasion, « Waterloo », remporte haut la main le radio-crochet européen et fait connaître ABBA dans tout le Vieux-Continent, faisant du single le premier n°1 anglais du groupe.
L'album sorti la même année rencontre alors un triomphe en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Scandinavie et même au Japon et en Australie. Intelligemment managé par Stig Anderson, le patron du label suédois Polar qui participe activement à l'écriture des titres, ABBA s'envole pour une première tournée aux quatre coins du monde et bientôt, ces quatre scandinaves aux costumes à paillettes et aux chevelures choucroutées (reflet de leur époque) deviennent des vedettes internationales, mondialement reconnues. Seuls les États-Unis restent relativement hermétiques au quatuor venu du froid. À leur décharge, le mouvement disco y bat alors son plein et la production locale occupe largement l'espace médiatique et culturel.
Au printemps 1975, l'album homonyme ABBA, porté par le tube « Mamma Mia » (n°1), est un carton international, dont Arrival, paru fin 1976, est la suite logique, proposant deux des titres parmi les plus emblématiques du groupe, « Dancing Queen » (qualifié de « chanson parfaite », qui se classe numéro un à peu près partout) et « Money, Money, Money ». Si l'anglais est parfois approximatif, les rythmiques, elles, font l'unanimité. ABBA s'impose rapidement comme l'un des plus gros vendeurs de disques européens depuis The Beatles et The Rolling Stones. Outre les disques, le merchandising tourne à plein et ABBA fait partie des premiers groupes à s'afficher sur des casquettes, des t-shirts, des vêtements et autres objets de la vie courante.
Pionniers en manière de clips vidéos, ils comprennent vite l'intérêt que ce nouveau support représente pour un groupe ambitionnant de conquérir le monde. Radios, télévisions, concerts, magazines... le quatuor est partout durant la seconde moitié des années 1970. Il ne manque plus que le cinéma à son palmarès. Une opportunité que les membres du groupe refusent, préférant laisser libre cours au documentaire qui leur est consacré en 1978, ABBA - The Movie (Vive ABBA en version française), centré sur leur tournée australienne. Grâce à ce film, même l'Amérique, pourtant rétive au quatuor scandinave, est séduite. Près de vingt millions de personnes se pressent dans les salles obscures pour le voir. Plus qu'un effet de mode, ABBA semble être parti pour durer, d'autant que le groupe se montre plus prolifique que jamais, sortant albums, compilations et témoignages en public avec autant de régularité que ses succès produits au millimètre.
En dépit du divorce de Björn Ulvaeus et d'Agnetha Fältskog, le groupe reste soudé, même s'il consent à lever un peu le pied sur les prestations publiques et télévisées qui use la santé des deux éléments féminins d'ABBA. Un pied levé... qui n'est que le préalable du coup d'accélérateur qui s'ensuit car, dès 1979, ABBA caracole en tête des hit-parades avec pas moins de cinq titres dont « Voulez Vous », « Chiquitita » et « Gimme, Gimme, Gimme (A Man After Midnight », obligeant le groupe à multiplier les apparitions. Le calme relatif réclamé par les deux femmes du groupe n'aura donc duré qu'une demi-année. Lancés dans l'humanitaire, les quatre scandinaves deviennent les porte-parole de l'UNICEF, à qui ils offrent l'intégralité des droits sur le titre « Chiquitita » et leur participation à plusieurs galas de soutien.
Toujours orientés vers le marché international, les membres d'ABBA exportent leurs titres en anglais, suédois, français ou espagnol... et multiplient les collaborations avec les artistes en vue du moment. Mais le rythme d'enfer qu'ils vivent comment à lasser les membres du quatuor qui, pour certains, finissent par ne quasiment plus pouvoir se voir en peinture. Si le coupe Ulvaeus / Fältkog avait déjà divorcé, le second binôme se sépare en 1981. En dépit d'un album au succès démesuré (le dernier, The Visitors, paru en 1982) ABBA n'en a plus pour très longtemps. L'année qui suit sa sortie ne connaît que quelques rééditions d'anciens albums ainsi qu'une énième apparition d'un Greatest Hits, mais peu de tournées ou de concerts viennent occuper l'emploi du temps des membres du groupe, que la presse commence à qualifier d'au bord de la séparation.
Celle-ci devient effective à la fin de l'année 1982, après un dernier single sans succès (« Under Attack »), lorsque les chanteurs et musiciens annoncent officiellement la fin d'ABBA, afin d'évoluer dans des domaines plus personnels : ainsi, Anni-Frid Lyngstad fricote avec l'aristocratie par son re-mariage avec un prince de sang royal, Heinrich Ruzzo Reuss von Plaue, tout en poursuivant une carrière solo dès 1982 avec l'album à succès Something's Going On. Björn Ulvaeus et Benny Anderson, pour leur part, se lancent dans la composition de comédies musicales. À leur actif figure notamment Chess, une variation sur la vie de Bobby Fischer, composée en collaboration avec Murray Head. Agnetha Fältskog, de son côté, entame une carrière de chanteuse de variété internationale avec un succès mitigé (de Wrap Your Arms Around Me en 1983 à My Colouring Book en 2004). En dépit d'une remontée sur scène en 1986, à l'occasion des cinquante ans de leur manager Stig Anderson, les membres d'ABBA n'envisagent à aucun moment la reformation du groupe.
Faute de nouveauté, les compilations et coffrets commémoratifs se succèdent et perpétuent une notoriété qui a dépassé le cadre musical avec la création de films comme Priscilla, folle du désert ou Muriel, ainsi que le premier groupe-hommage Björn Again. La firme Universal Music, qui dispose du catalogue discographique d'ABBA via le label Polydor, vend plus de trente millions d'exemplaires de la compilation ABBA Gold - Greatest Hits.
Conscient de l'énorme potentiel commercial que représenterait un événement médiatique comme la reformation du groupe et le lancement d'un nouvel album, la maison de disques ne propose rien de moins qu'un milliard de dollars aux quatre ex-membres d'ABBA pour se reformer le temps d'un disque. Mais ces derniers préfèrent refuser. Deux comédies musicales, Mamma Mia ! en 1999 et Abba Gold (quatuor allemand reprenant l'apparence et chansons du groupe avec un impressionnant mimétisme) en 2006, retracent le parcours du quatuor et attirent à elles deux près de trente millions de spectateurs à travers le monde.
Tout d'abord concentré autour de la communauté gay internationale, le « revival ABBA » s'impose bientôt partout, allant de pair avec la redécouverte d'un patrimoine associé dans l'inconscient collectif à cette décennie insouciante et heureuse que furent les « seventies ». L'adaptation filmée de Mamma Mia ! sort à l'été 2008, et un musée consacré au groupe ouvre ses portes en 2009. Le phénomène qu'est devenu ABBA n'est pas prêt de s'éteindre.