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Née le 30 décembre 1946 à Chicago, d'une mère serveuse et chanteuse de jazz et d'un père ouvrier, Patricia Smith témoigne dès son plus jeune âge d'un intérêt pour la musique. Bercée dans son enfance par le jazz, la musique noire et les disques des Rolling Stones, Bob Dylan, Jimi Hendrix et autres musiciens du moment, Smith se découvre tout d'abord un goût et un talent pour l'écriture et en particulier pour la poésie. C'est en lisant Rimbaud, Camus ou d'autres auteurs comme William S. Burroughs qu'elle décide de quitter l'état du New Jersey où elle a été élevée pour tenter sa chance à New York.Chelsea HotelAgée d'à peine 20 ans, la jeune Patti Smith fréquente alors les hauts lieux de la scène artistique new-yorkaise underground tel que le CBGB'S. C'est d'ailleurs au Max's Kansas City qu'elle fait ses premières apparitions en public ; elle assure parfois les premières parties de concerts en y lisant ses propres textes, qu'elle met en musique de temps à autre. Accompagnée d'un ami guitariste et rock-critic, Lenny Kaye, elle pose ainsi les bases du Patti Smith Group, bientôt complétées du pianiste Richard Sohl et du disc-jockey du CBGB's, Jay Dee Daugherty à la batterie. Le photographe Robert Mapplethorpe, avec qui Patti Smith emménage au Chelsea Hotel, finance son premier EP, Hey Joe /Piss Factory, en 1973. Parallèlement, elle fait paraître son premier recueil de poésies, crée une pièce de théâtre et collabore ici et là à diverses revues musicales (Creem, Rolling Stone...)
Année charnière dans la carrière de Patti Smith, l'année 1975 voit la sortie de son album Horses sur lequel on retrouve notamment le morceau « Gloria ». Produit (officiellement) par John Cale, ce recueil punk est considéré comme un chef d'oeuvre, une véritable profession de foi qui pose les fondements du style musical de Patti Smith, un intelligent mélange entre un rock indompté, poétique et militant... A sa sortie, le disque est accueilli comme un petit brûlot, l'effet médiatique se voit amplifié avec la polémique qui entoure la pochette de l'album réalisée par Mapplethorpe. Le cliché en noir et blanc y dévoile en effet une Patti Smith à l'allure androgyne et arborant fièrement un duvet à la lèvre supérieure de sa bouche. Au grand dam de sa maison de disque, Patti Smith refuse formellement le culte de l'image et de l'apparence auxquelles on veut la soumettre. Artiste féminine et engagée, Patti Smith réaffirmera plus tard son opposition en laissant cette fois apparaître des poils sous ses aisselles sur la pochette de son album Easter.Proto-punkMilitante pacifiste, son art musical ou littéraire lui sert à de nombreuses prises de parole : opposition à la Guerre du Vietnam et plus récemment à la Guerre en Irak. Mère d'une musique que l'on pourrait qualifier de proto-punk, Patti Smith fait preuve d'esprit critique, de colère, mais aussi d'humanisme et de spiritualité. Ses concerts sont autant d'occasions de sensibiliser chants, « spoken words » (textes récités), incantations mystiques, vidéos et exhortations apportent à ses performances une dimension unique et intense.
L''album Horses ayant lancé la carrière de Patti Smith, la chanteuse collabore à plusieurs albums du groupe Blue Öyster Cult et sort dans la foulée trois autres albums Radio Ethiopia (1976), Easter (1978) et Wave (1979) et offre ainsi au rock quelques beaux standards : « Pissing In The River » ou encore le fameux « Because The Night » (écrit par un Bruce Springsteen encore inconnu). Ce goût pour l'écriture qu'elle développe à travers ces nombreuses collaborations musicales, Patti Smith le cultive également en s'adonnant à la littérature. Passionnée de Rimbaud et entourée de ses amis écrivains de la première heure, elle réussit tout au long de sa carrière à maintenir un équilibre entre musique et lettres, passerelle vivante entre les écrivains de la Beat Generation et le songwriting rock et folk. Patti Smith publie quelques recueils de poésie dont Babel (écrit de 1974 à 1981) et La Mer de Corail en l'honneur de Mapplethorpe ; elle y évoque ses rencontres, ses expériences, ses souffrances dans un style propre à elle, teintée d'onirisme, de cruauté et de spiritualité.
Dans les années 1980, Patti Smith décide de mettre sa carrière en suspens pour échapper momentanément à la célébrité ; elle profitera de cette pause pour se marier avec Fred « Sonic » Smith, ex-guitariste des MC5 et s'occuper de leurs deux enfants, Jackson et Jesse. C'est donc après huit ans de silence que Patti Smith revient avec un nouvel album en 1988, Dream Of Life, qui passe relativement inaperçu, malgré le succès de « People Have The Power ». Les années suivantes laissent place à une nouvelle période de silence, et les décès successifs de son mari et de son frère cadet, épreuves qui la laissent seule avec ses enfants, profondément marquée malgré le soutien d'amis de toujours tels Lenny Kaye. Longuement mûri à l'aune de ces bouleversements, Gone Again, paru en 1996, tente d'exorciser les fantômes par le chant pétrifié de douleur de la chanteuse.
L'année suivante voit le retour des vétérans du Patti Smith Group (Kaye et Daugherty) et la parution de Peace and Noise : même musiciens, même envie de jouer et retour aux sources, aux premières inspirations. Suivent alors les albums Gung Ho (2000) où l'on retrouve un ami de longue date de Patti Smith, le chanteur Michael Stipe de R.E.M. sur un titre ( Patti Smith avait déjà poussé la chansonnette sur un album de R.E.M. pour le titre « E-bow The Letter »). En 2002 sort la compilation Land, mesurant le cheminement d'une chanteuse intègre. Toujours aussi concernée par le monde qui l'entoure, Patti Smith écrit Trampin', album publié en 2004 qui réagit à sa façon à la Guerre en Irak, notamment dans le titre « Radio Baghdad ».
Trente ans après, la rage et la ferveur de Horses résonne encore dans le rock contemporain quand paraît une édition doublée de nouvelles versions des titres légendaires. Pour sa carrière remarquable et son parcours exceptionnel, Patti Smith se voit décerner à Paris le titre de Commandeur des Arts et des Lettres. Considérée comme sa patrie d'adoption en raison des goûts littéraires de la « poétesse du rock », la France accueille en mars 2008 une expostiion-rétrospective de sa carrière protéiforme (chant, poésie, photographie) intitulée Land 250, à la Fondation Cartier (Paris).
En 2011, la publication de ses mémoires dédiées à Robert Mapplethorpe recueille à l'unanimité l'approbation de la critique. Just Kids reçoit l'année suivante le prestigieux National Book Award qui consacre la carrière de l'écrivain. Quant à la rockeuse intronisée au Rock and Roll Hall of Fame (2007), elle fait son retour au disque en 2012 avec Banga, enregistré au studio Electric Lady de New York avec ses partenaires habituels plus le guitariste et ami Tom Verlaine et ses enfants Jackson et Jesse Paris. Un album traversé autant par l'histoire que par les événements récents, dédié à quelques figures de son panthéon personnel. Discrète, bien qu'hissée au rang d'égérie, son héritage reste vivace chez de nombreuses artistes actuelles, à l'image de PJ Harvey ou de Kim Gordon (Sonic Youth).