350 fans
Rebelle, personnage entier, excessif, Catherine Ribeiro n'a jamais tourné le dos à l'engagement (à gauche), même si celui-ci n'aboutissait pas sur l'adhésion formelle à un parti politique. Cette fille de travailleur immigré portugais a un sens aigu du drame, qu'elle joue parfois contre elle-même (plusieurs tentatives de suicide), mais qui sert si bien la cause des poètes et des compositeurs (Prévert, Brel, Barbara, Manset) qu'elle interprète. Catherine Ribeiro débute chez Barclay en 1966, en adaptant une chanson de Bob Dylan. Elle rencontre un ami d'enfance, le guitariste Patrice Moullet, adepte des musiques répétitives de Terry Riley. Dotée d'une puissante voix de contralto, Catherine Ribeiro chante des poèmes libres, improvise sur les vagues de la musique de Patrice Moullet, livre ses obsessions brutes au public, comme le font parallèlement Jacques Higelin et Brigitte Fontaine. En 1969, avec le directeur artistique Christian Dejacques (Barbara, Nougaro, etc.), la chanteuse et ses musiciens enregistrent deux albums chez Festival sous le nom de Catherine Ribeiro + Bis.
Public de passionnés. Les chansons lyriques et violentes de Catherine Ribeiro conquièrent un public de passionnés. Passé chez Philips, le groupe prend le nom de Catherine Ribeiro + Alpes. L'album Âme debout confirme le style : hors des sentiers battus, sorte de mélange de pop déchirée et de chanson classique, planant et violent, succession d'orages et de mélopées suaves. Sur scène, Catherine Ribeiro crée des ambiances ésotériques et mystérieuses, théâtrales. La chanteuse met ses talents vocaux au service de Piaf (le Blues de Piaf, 1977), de Jacques Prévert (« Jacqueries », 1978, un titre qui lui attirera les foudres de la veuve du poète).
En 1977, elle est une des égéries du premier Printemps de Bourges, on la voit au théâtre de la Ville, après un nouvel album, la Déboussolée, puis à Bobino en 1982 (François Mitterand, qu'elle a activement soutenu pendant la campagne électorale de 1981, assiste à la première de son spectacle). Sa carrière souffre alors de la mainmise absolue des circuits commerciaux sur la chanson française ; elle s'insurge contre cet état de fait, s'expose, abrite des insoumis, se rend en URSS, s'engage dans la bataille des radios privées, chante le Bicentenaire de la Révolution française en 1989. S'éclipse, revient, disparaît, jusqu'à son retour en 1995 aux Bouffes du Nord, le théâtre de Peter Brook, avec un répertoire riche et éclectique, une voix inchangée, disciplinée par le pianiste et arrangeur Michel Précastelli.
V. M.
©