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Née d’un père polonais et d’une mère anglaise, c’est au cœur de Paris que Mireille Hartuch voit le jour le 30 septembre 1906. Sa famille, cultivée et pétrie de théâtre, lui donne très vite une culture classique importante. Apprenant le piano dès l’âge de quatre ans, Mireille s’intéresse également au théâtre et à la chanson à l’instar de l’intégralité de sa fratrie, tous danseurs, chanteurs ou musiciens.
C’est à Londres, où s’est installée sa famille dans la première décennie du XXème siècle, que Mireille fait ses premiers pas devant une caméra. Répondant à une petite annonce du Daily Mirror qui demandait un petit garçon sachant chanter et danser, elle n’hésite pas à se travestir en poulbot pour y répondre... et parvient à se faire embaucher au casting d’un film muet !
Enfance anglaiseCette première expérience la séduit au point qu’elle décide de s’investir dans le théâtre. Parfaite anglophone, elle réussit à décrocher quelques rôles dans des pièces classiques du théâtre shakespearien. Lorsque la guerre éclate, la jeune femme voit son père arrêté par les autorités britanniques, accusé d’espionnage en faveur de l’Allemagne. En dépit de la nature fantaisiste des accusations à son encontre (dues essentiellement à son origine polonaise), Hartuch senior passe deux ans en prison. Mireille, elle, chante dans les galas de la Croix-Rouge ou pour les solddats permissionnaires, devenant la plus parisienne des chanteuses anglaises et faisant connaître le répertoire français au public britannique.
Les années de guerreExilée d’Angleterre suite à la condamnation du père, la famille Hartuch s’installe au cœur du massif central. Là, Mireille suit les cours d’un pianiste classique et ajoute Chopin à son répertoire avant de découvrir les musiques américaines lors de l’arrivée des troupes de l’Oncle Sam sur le sol français. Avec sa sœur Marcelle, Mireille monte un petit numéro de chant et de danse pour distraire les soldats américains qui font un petit triomphe aux deux petites frenchies.
La vie parisienneAvec l’armistice, le père de Mireille est enfin libéré de sa détention et la famille s’installe à Paris où la jeune fille est inscrite au Conservatoire. Bien que douée au piano, Mireille est cependant handicapée par sa petite taille qui l’empêche d’atteindre les pédales des pianos à queue. Pour compenser ceci, elle pratique assidûment la danse, le chant et l’acrobatie. Faisant ses débuts au théâtre, elle interprète Feydeau et joue dans de nombreuses pièces de théâtre de boulevard, où son physique fluet fait merveille. Alternant le boulevard et l’opérette, elle est bientôt repérée par le cinéma et apprend même l’escrime pour tenir un rôle dans un film de cape et d’épée. Rôle après rôle, elle devient une petite reine du music-hall et sa notoriété s’accroît auprès du tout-Paris, même si son projet d’opéra, Fouchtra, est régulièrement rejeté par les éditeurs de disques.
Tournée américaineC’est en 1928 qu’elle rencontre Jean Nohain, qui devient son parolier et sa principale source d’inspiration dans sa carrière. Si Paris lui fait des ponts d’or, Mireille décide toutefois de tenter sa chance aux Etats-Unis en 1930. Débarquée à Broadway, elle côtoie toute l’élite culturelle new-yorkaise, Georges Gershwin en tête. Après un succès d’estime à New York, elle et sa troupe partent en tournée à travers les Etats-Unis et le Canada. Profitant de son séjour sur la côte ouest, elle tourne dans un film de Douglas Fairbanks et donne la réplique à la superstar de l’époque, Buster Keaton.
En 1937, elle épouse le philosophe Emmanuel Berl et les fréquentations intellectuelles de son mari deviennent les siennes. Mireille brille dans le petit milieu culturel et mondain de Paris. En 1932, « Couchés dans le foin », écrite par Nohain, fait d’elle une chanteuse populaire et connue de tous. Au cours des années, Jean Sablon, Maurice Chevalier ou Charles Trenet joignent leurs voix à la sienne dans plusieurs duos, sur scène ou enregistrés.
Le Petit ConservatoireMais la guerre éclate et Mireille, qui a des origines juives, trouve refuge en Corrèze où elle mène par ailleurs des actions de résistance, nouant au passage des relations avec des intellectuels comme Albert Camus ou Jean Cocteau. À la Libération, Mireille reprend sa carrière de chanteuse mais, sur suggestion de Nohain, troque le micro de l’interprète contre celui de l’animatrice de radio. Du côté de chez Mireille devient, en 1948, l’émission musicale à la mode où tout le show-business vient se donner rendez-vous, l’animatrice recevant indifféremment musiciens, chanteurs, cinéastes, acteurs ou autres artistes. Si elle continue à chanter, c’est désormais en tant que papesse des ondes que Mireille est connue de la France entière, contribuant à lancer quelques nouveaux talents.
En 1955, Du côté de chez Mireille cède sa place au Petit Conservatoire à la radio, une émission de radio-crochet destinée à dénicher les talents de demain. Hugues Aufray, Daniel Prévost, Philippe Castelli ou Danièle Evenou y font leurs premières armes. Mireille s’y montre sévère, exigeante, à la limite de l’autoritarisme malgré sa voix douce et sa stature menue. Son petit côté pincé lui vaut de se faire régulièrement brocarder par les humoristes, mais elle continue à se prêter au jeu, s’amusant beaucoup dans son rôle d’institutrice rigide.
Les années ORTFEn 1960, le Petit Conservatoire quitte la radio pour devenir une des premières émissions de divertissement de l’ORTF. La même année, le public découvre une autre facette de Mireille alors qu’elle prête sa voix à l’ours Colargol dans une série animée à destination de la jeunesse. Françoise Hardy, Hervé Cristiani, Jean-Jacques Debout, Pascal Sevran ou Sabine Paturel sont quelques uns des jeunes gens qui débutent face aux caméras de l’ORTF. Toujours exigeante, Mireille peut à l’occasion se montrer cassante avec des candidats sans talent ou ne faisant pas d’efforts pour évoluer. Son apparent autoritarisme lui vaut d’être immortalisée sous les traits d’une enseignante revêche par le dessinateur Gotilb dans les pages du magazine Pilote.
Après la télévisionEn 1975, cependant, l’émission n’a plus la cote et Mireille se voit débarquée de l’ORTF où elle régnait sans partage depuis quinze ans. Cependant, elle persiste dans sa vocation de dénicheuse de talents et son Petit Conservatoire devient un cours privé même si les frais d’inscription y sont dérisoires et plus symboliques qu’autre chose. Sur les conseils de Michel Berger, elle enregistre un album, Mireille Aujourd’hui, contenant notamment le titre, « J’ai changé mon piano d’épaule ».
Toujours pédagogue et formatrice, Mireille s’installe dans une semi-retraite dont elle ne sort que pour quelques tours de chant. En 1996, âgée de 90 ans, elle donne un ultime récital au Théâtre de Chaillot, peu de temps avant son décès, survenant le 29 décembre de la même année, laissant derrière elle un nombre impressionnant de chansons et toute une génération d’artistes orphelins.