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Son histoire ressemble un peu à un conte de fées. La misère humaine et musicale, il connaît pour l'a voir vécue. Âgé de 46 ans, (et veuf depuis 2005), Victor Démé élève trois de ses six filles dans une cour commune sans eau ni électricité dans le faubourg de Bobo-Dioulasso, la seconde ville du Burkina Faso, qui l'a vu naître en 1962.
Le petit Demé grandit au sein d'une famille de l'ethnie Marka, des couturiers mandingues comme son père dont il reçoit le savoir-faire. Mais c'est auprès de sa mère griotte Aminata Demé renommée dans la ville que Victor apprend le chant. Une enfance entre une tradition couturière et un héritage musical, entre la machine à coudre et la guitare, puis l'exil en Côte d'Ivoire dans l'atelier de couture paternel à Abidjan, la conversion au catholicisme, il se forge une réputation en chantant dans les clubs ivoiriens au sein de l'orchestre Super Mandé, mené par Abdoulaye Diabaté.
Profitant d'un élan national insufflé par le révolutionnaire Thomas Sankara, l'artiste rentre au Burkina Faso. Sa fougue musicale est récompensée par la victoire de plusieurs micro-crochets et par son recrutement au sein de plusieurs grands orchestres dont l'Echo de l'Africa et le Suprême Comenba, rythmant les nuits de Ouagadougou.
Pendant trente ans, Demé a donc distillé ses notes blues, folk, et afro-mandingue dans les bars, cabarets et orchestres, contribuant à faire de lui un chanteur de référence dans son pays. N'ayant jamais été invité à enregistrer au seul studio professionnel d'enregistrement au Burkina Faso, le studio Seydoni à Ouagadougou, Victor Demé avoue avec simplicité: « Quand on n'a pas les moyens de faire un album, il faut se débrouiller ». Mais ses trente années de parcours musical vont trouver leur point d'orgue dans une rencontre : celle de Camille Louvel en 2005 le régisseur du OuagaJungle, un bar associatif de Ouagadougou. Ce dernier touché par les compositions de Démé lui propose de les enregistrer.
En 2007, avec l'aide du journaliste David Commeillas et des créateurs de Soundicate, ils fondent le label Chapa Blues Records pour promouvoir sa musique. Le chanteur travaille donc son album dans le petit studio que l'equipe du Ouagajungle a bricolé au fond sa résidence d'artiste à Ouagadougou. Dans ce premier album, c'est toute la richesse de son répertoire que Demé fait partager, une invitation au voyage et au dépaysement à travers des textes poignants, reflet du vécu de l'artiste.
Après une longue tournée semée de festivals, du Printemps de Bourges à Jazz Sous Les Pommiers, Victor Démé enregistre son deuxième album à la maison avec le guitariste, arrangeur et chef d'orchestre Issouf Diabaté, les frères poly-instrumentistes Diarra et le violoniste de Dimitri Artemenko. Le blues mandingue saupoudré d'afrobeat de Victor Démé se révèle toujours aussi envoûtant.
En 2014, Victor Démé goûte de nouveau au succès lorsque son titre « Djôn Maya » est repris par le duo electro Synapson. Un nouvel album intitulé Yafaké est alors en cours de réalisation. Le 21 septembre 2015, le musicien s'effondre sur le chemin de l'hôpital. Victime d'une crise de paludisme, il décède à l'âge de 53 ans, avant d'avoir pu assister à la sortie de son troisième album le mois suivant.