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C’est sous le nom de Mohamed Khelifati que naît le futur Cheb Mami, le 11 juillet 1966 à Graba-el-Oued (Wilaya de Saïda, Algérie). Issu d’un milieu populaire, il découvre en grandissant à Saïda la musique aux fêtes familiales et traditionnelles et pousse la chansonnette lors des banquets. Jeune adolescent, il devient ouvrier soudeur, mais ne cesse de fréquenter concerts et fêtes, ce qui lui vaut d’être remarqué et engagé par le groupe de raï Al-Azhar.
Âgé d’à peine quinze ans, le jeune chanteur commence à faire la tournée des bars et des clubs de la région d’Oran. Gagnant le surnom de « Cheb » (sobriquet signifiant « jeune » ou « môme », attribué à tous les jeunes chanteurs de raï), « Mami », comme on le surnomme, tente sa chanson à l’émission de télé-crochet Ahlan wa Chabab, où il est l’un des premiers à interpréter du raï, musique jugée licencieuse et immorale, peu appréciée par les autorités algériennes. Si le jury n’ose pas lui accorder le premier prix, le succès réservé par le public à la prestation de Cheb Mami vaut tout de même au jeune chanteur la deuxième place.
Le label Disco Maghreb engage Mami, qui se voit lancé sur le marché des cassettes audio que les jeunes Algériens achètent pour les écouter plus ou moins en cachette. Devenu le benjamin des chanteurs de Raï, Cheb Mami est diversement accueilli par la vieille garde d’Oran, qui juge ses textes trop édulcorés : le jeune homme interprète en effet une version juvénile et familiale du Raï, que certains jugent « à l’eau de rose ». Mais le côté « sain » de la musique de Cheb Mami contribue également à son succès, de même que son authentique talent d’auteur-compositeur-interprète : il est l’une des vedettes du Premier Festival de Raï, qui se tient à Oran en 1985 et marque enfin l’acceptation par le pouvoir algérien de cette musique de jeunes subversive.
Cheb Mami se sent pousser des ailes et débarque en France, où il compte s’approvisionner en matériel de bonne qualité, pour revenir monter un groupe en Algérie. Chantant dans de nombreux clubs et bars maghrébins de Paris, il reste en France plus longtemps que prévu et décide de contribuer à métisser le raï, en lui apportant les influences des rythmes occidentaux.
Vedette des deux rivesEn 1986, grâce aux festivals de Bobigny et de La Villette, Cheb Mami se fait vraiment connaître du public français, alors que le raï, grâce à la génération des Maghrébins ayant grandi en France comme au goût du public local pour les musiques exotiques, commence à s’imposer. Ayant trouvé un manager en France, Cheb Mami renonce à revenir en Algérie et décide de piloter sa carrière depuis la France.
En décembre 1986, il est le premier chanteur de raï à se produire à l’Olympia. Après avoir accompli en Algérie ses deux ans de service militaire, il fait repartir de plus belle sa carrière française et se produit à nouveau à l’Olympia en 1989. Le physique viril et plutôt avantageux de ce jeune chanteur à bonne bouille, ainsi que son répertoire romantique, lui garantissent un succès qui, s’il est éclipsé par son aîné Khaled, n’en fait pas moins de lui en France l’une des principales vedettes de la musique arabophone.
Affublé par les médias français du surnom de « Prince du raï », Cheb Mami voit loin et rêve d’exporter le raï aux Etats-Unis : mais en 1991, l’album Let Me Raï, enregistré Outre-Atlantique, paru en pleine guerre du Golfe, ne connaît qu’une très médiocre promotion. Le chanteur parvient néanmoins à se relancer en 1994 avec l’album Saïda, à nouveau enregistré aux Etats-Unis, qui triomphe en France comme au Maghreb. Très populaire au Maroc, Cheb Mami parvient également à se faire connaître en Extrême-Orient (Japon) et en Amérique du Sud (Brésil).
En 1996 et 1998, des concerts au Zénith, accompagnant les fêtes de la fin du Ramadan, lui assurent des triomphes. En 1999, il donne un immense concert à Alger, où sa présence a valeur de revendication libertaire. En 2000, il accède enfin au marché anglo-saxon grâce à un duo avec Sting, « Desert Rose », qui devient un tube international.
Rubrique faits diversDuos avec des stars, honneurs multiples, participations à des concerts-évènements : Cheb Mami semble au sommet de sa gloire quand, le 28 octobre 2006, sa carrière vient buter sur un écueil sordide, lorsqu’il est arrêté sur plainte de son ancienne compagne. La jeune femme, qui a eu une enfant de lui, affirme que Cheb Mami, peu désireux d’avoir un rejeton illégitime, l’aurait fait séquestrer et tenté en vain d’obtenir un avortement forcé, dans des conditions odieuses : l’aspect répugnant de l’affaire, qui contraste avec l’image affable et débonnaire de Cheb Mami, se renforce encore quand le chanteur, libéré sous caution, s’enfuit en Algérie et se répand en interviews délirantes, sous-entendant, malgré les preuves qui l’accablent, qu’il est victime du racisme anti-arabe, de la malveillance des Juifs, ou des deux à la fois.
Sous mandat d’arrêt international, Cheb Mami voit sa carrière mondiale brisée net, devant rester cloué à sa terre natale sous peine d’arrestation immédiate. Une bien méchante situation pour une vedette qui était pourtant bien partie pour symboliser, par sa musique, un rêve de fraternité culturelle. Les artistes ne sont pas toujours à la hauteur de leur art.